Peut-on vraiment devenir un thanatonaute, un explorateur de la mort, comme Bernard Werber le décrit ? Je ne sais pas vraiment…mais la question mérite d’être posée au cours de cette semaine mortelle sur le C@fé des sciences.
De nombreuses personnes dans le monde affirme avoir mis un pied dans la tombe et être revenu avec des images et des souvenirs plein la tête ; un peu comme nos thanatonautes du roman finalement. On parle d’expérience de mort imminente. Selon Pim Van Lommel, un médecin hollandais spécialiste du phénomène, l’expérience de mort imminente peut être définie comme « la mémoire de différentes impressions ressenties dans un état de conscience particulier, parmi lesquelles on trouve des expériences de sortie du corps, une sensation de bien être, la vision d’une lumière ou d’un tunnel, la vision de personnes décédées, un retour sur différents événements de notre vie.(…)Le contenu d’une expérience de mort imminente semble être similaire dans le monde entier, entre les différentes cultures et à travers les âges. » Environ 9 millions de personnes aux Etats-Unis et 4% de la population occidentale semblent avoir vécu cette expérience.

Image extraite de la BD « Les Thanatonautes » selon le livre de B.Werber
Quels sont les critères favorisant l’apparition des EMI?
En 2001, Pim Van Lommel et son équipe ont mené une enquête, publiée dans le Lancet (un des magazines scientifiques les plus réputés dans le domaine médical), sur 344 patients ayant survécu à un arrêt cardiaque dans des hôpitaux hollandais. Parmi ces patients, 62 (soit 18%) auraient vécu une expérience de mort imminente (EMI). Il est intéressant alors de noter que le sexe, l’éducation et surtout la croyance n’influencent pas l’apparition d’EMI. En effet 70% des patients ayant vécu une EMI sont croyants contre 73% dans l’autre groupe. Cependant, les personnes ayant vécu une EMI sont en moyenne plus jeune que ceux n’ayant pas vécu cette expérience. Selon Pim Van Lommel, cela pourrait être expliqué par une diminution de la mémoire à court terme chez des personnes plus âgées.
Les chercheurs ont également observé que les expériences de mort imminentes ne sont pas influencées par des données médicales (intubation, stimulation cardiaque…), pharmacologiques ou psychologiques (connaissance des EMI avant la crise cardiaque par exemple).
Connaît-t-on les causes et les conséquences des EMI ?
Tous les patients ayant vécu une EMI étaient cliniquement morts. Selon Pim Van Lommel, « quand le cerveau ne fonctionne pas, au point que le patient est dans un coma profond ou cliniquement mort, la mémoire doit être grandement affaiblie voire quasiment inexistante. Les expériences de mort imminente ne devraient alors pas être retenues. » Alors comment les patients peuvent se rappeler de cela ? Selon le neurologiste Ali Henry Bardy, « les électro-encéphalographies normales ne peuvent détecter l’activité électrique que dans une moitié du cerveau. L’activité possible dans l’autre moitié, ainsi que dans des structures plus profondes ne peut être détectée. Cette méthode n’est donc pas la plus apte à détecter la mort clinique. » Le cerveau pourrait donc encore fonctionner un peu chez des patients ayant vécu une EMI.
Enfin l’étude de Pim Van Lommel montre que les expériences de mort imminente ont changé le comportement des patients. En effet, les personnes ayant vécu une EMI connaissent une diminution de la peur de mourir et une augmentation de la croyance en une vie après la mort. Selon le médecin hollandais, « tant que nous n’avons pas vécu personnellement d’EMI, il semble très difficile de comprendre l’impact et les changements de comportement liés à cette expérience. »

Représentation du Paradis de Dante Alighieri par Gustave Doré
Pour conclure, il n’existe pas encore d’explication scientifique à ce phénomène. Est-ce que le cerveau envoie des signaux de réconfort et bien être au moment de la crise cardiaque pour soulager le patient ? Est-ce qu’il s’agit uniquement d’un « épisode de conscience modulé par les drogues médicamenteuses, une diminution de la quantité d’oxygène et une augmentation de la quantité de CO2 dans l’organisme. » comme le pense le docteur anesthésiste John M Evans ? La science nous le dira sûrement dans les années à venir. Pim Van Lommel conclut que « c’est peut être paranormal dans le sens qu’il est encore difficile d’expliquer le phénomène avec la science actuelle. Ce phénomène est en dehors de la normalité scientifique du moment. Cependant je pense qu’il s’agit d’un phénomène naturel, et nous allons continuer à l’étudier scientifiquement ».
Pour en savoir plus :
- Near-death experiences: the experience of the self as real and not as an illusion. Pim Van Lommel, 2011 (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21988246)
- Etude de Pim Van Lommel sur les patients hollandais en 2001 publiée dans le Lancet: http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2801%2907100-8/fulltext
- Commentaires sur l’étude précédente publiés dans le Lancet en 2002 : http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2802%2908925-0/fulltext
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