Plus la recherche avance, plus on se rend compte que le génome, notre ADN, est quelque chose de très complexe et que son fonctionnement et son expression sont extrêmement contrôlés. Dans cet article, je vais vous parler d’un des mécanismes de régulation : les ARN non codants. On verra ainsi que finalement ce n’est pas tant la taille qui compte…
Revenons tout d’abord sur la notion de gène. Notre ADN contient environ 32000 20806 gènes. Selon la définition, un gène est un bout d’ADN qui va être transcrit en ARN messager puis traduit en protéine (cf figure1). Les gènes représentent environ 2% du génome.
En 1998, Andrew Fire et Craig Mello ont découvert les microARN. Cette découverte leur a permis de décrocher le prix Nobel en 2006. Les microARN sont des tout petits bouts d’ARN (entre 20 et 25 bases) qui contrôlent les ARN messagers (cf figure 1) en :
- Bloquant la traduction en protéine
- Ou en les dégradant directement
Ainsi ces petits microARNs, qui font partie de la grande famille des ARN non codants, ont un pouvoir de régulation immense: un seul microARN peut réguler jusqu’à 3000 gènes !!! Mais est ce que leur rôle est si important que cela ? On va voir plusieurs exemples qui vont essayer de vous le prouver.
En 2010, Hollander et son équipe ont étudié les mécanismes de dépendance à la cocaïne. Ils ont observé, chez des rats accros à cette drogue, une augmentation de la quantité de microARN 212 (ou miR-212) dans leurs cerveaux. Ils ont alors voulu étudier le rôle de ce microARN. Pour cela, ils l’ont injecté dans le striatum dorsal (une région du cerveau) de nouveaux rats et ils ont observé une baisse de la dépendance à la cocaïne en comparaison avec des rats contrôles. Ils essayent maintenant de voir si cet effet peut être retrouvé chez l’humain afin d’espérer pouvoir élaborer un traitement contre la dépendance aux drogues.
Un autre exemple tout aussi impressionnant concerne l’action des microARNs sur le phénotype (l’apparence) des plantes. Des chercheurs ont testé l’effet de la surexpression ou du blocage de différents microARN sur la morphologie de différentes plantes et les résultats sont saisissants comme vous pouvez le voir sur les photos ci-dessous.
Un dernier exemple concerne nos chères amies les abeilles. En 2007, Weaver et son équipe sont partis du principe que les microARNs jouent un rôle important dans le développement du cerveau, l’apprentissage et la régulation des gènes dans le système nerveux. Ils ont alors décidé de comparer les niveaux d’expression de différents microARNs au sein d’abeilles ouvrières ou reines. Par cette étude, ils ont mis en évidence 2 microARNs (cf figure ci-dessous) qui discriminent les ouvrières ou les reines à l’état larvaire. Cependant ils ne peuvent encore dire si ces microARNs sont la première étape de la spécification ou si quelque chose vient les activer différentiellement au préalable.

Le microARN 71 est plus présent dans les larves d’ouvrières tandis que le microARN 9a est plus présent dans les larves des reines.
Pour conclure, les microARNs sont essentiels pour la régulation des cellules de nombreuses espèces (et je l’espère vous l’avoir bien montré avec tous ces exemples). Ces dernières années, plusieurs laboratoires pharmaceutiques se sont créés dans le but de produire des traitements à base de microARNs ou d’anti-microARNs. Un des plus avancé est produit par le laboratoire Santaris qui a produit un anti-miR122 pour soigner les patients atteints par le virus de l’hépatite C. Le médicament est actuellement en phase II clinique. Il existe d’autres ARN non codants mais ceux-ci feront peut être l’objet d’autres articles.
A lire :
- Article Hollander et al. sur la dépendance à la cocaïne: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2916751/
- Article Weaver et al. sur les microARNs et les abeilles : http://genomebiology.com/2007/8/6/R97
4 comments for “Le super-pouvoir des microARNs”